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la chance sourit a madame nikuko afficheUn film de Ayumu Watanabe

Avec Cocomi, Shinobu Ôtake, Izumi Ishii

Au cinéma le 8 juin 2022

Animation | Japon | 1h37

Nikuko est une mère célibataire bien en chair et fière de l’être, tout en désir et joie de vivre. Elle aime bien manger, plaisanter et a un faible pour des hommes qui n’en valent pas toujours la peine. Après avoir ballotté sa fille Kikurin la moitié de sa vie, elle s’installe dans un petit village de pêcheurs et trouve un travail dans un restaurant traditionnel. Kikurin ne veut pas ressembler à sa mère et ses relations avec Nikuko ne sont pas toujours simples. Jusqu’au jour où ressurgit un secret du passé. 

Tu seras une femme différente, ma fille

Nikuko est grosse, bruyante, inlassablement joyeuse alors qu’elle est régulièrement bafouée par la vie (et ses choix discutables en matière d’hommes). Kikurin, sa fille, est une préadolescente renfermée, filiforme et discrète. Kikurin ne veut pas être comme sa mère, ce qui paraît être un pari gagné d’avance. La Chance sourit à Madame Nikuko, long-métrage solaire signé Ayumu Watanabe, le réalisateur remarqué du très beau Les Enfants de la mer, dessine finement cette phase de la vie où, pour devenir soi, il faut s’opposer à tout le reste. Cette phase où l’on voit ses parents pour les hommes et les femmes qu’ils sont, ordinaires au mieux, pas franchement extraordinaires parfois.

Alors que Kikurin aimerait que sa mère soit un peu moins voyante, elle a bien remarqué le jeune Ninomiya, le plus taciturne parmi ses camarades. Toujours caché derrière sa mèche de cheveux, Ninomiya fait parfois d’étranges grimaces. De qui se moque-t-il ? Est-il un peu foufou ou juste fou tout court ? Attirés par le mystère de l’un et de l’autre, ou par la projection que chacun d’entre eux s’en fait, les deux jeunes s’approchent et s’apprivoisent.

Dis-moi qui tu es et je te dirai qui tu es

Estival dans ses couleurs et dans son rythme, le film pose la question de l’identité au cœur de son récit. Pas seulement la quête ou construction de soi, mais aussi les reflets de soi qui ricochent dans les regards des uns et des autres. Ces autres « soi » qui ne sont peut-être pas seulement dans les yeux d’autrui. Finalement, l’identité est parfois un bric-à-brac d’éléments bâtis, empruntés ou juste miroités. Et ce n’est pas plus mal. Car finalement, la grande étape qui sépare la droiture enragée de l’adolescent de l’adulte, c’est le fait de pardonner à soi et aux autres leurs défauts.

Car quand dans la toile de nos relations, un élément saute, on découvre parfois des liens insoupçonnés. C’est le cas de Kikurin et Nikuko. On a beau vouloir mettre des distances entre l’autre et soi, on est parfois bien plus proches que l’on ne le voudrait. Et c’est loin d’être une mauvaise nouvelle.

Une absence cliché peut-elle en cacher un ?

Si une fausse note est à signaler, c’est une certaine représentation du personnage de Nikuko. Femme défiant tous les clichés de la femme japonaise – fine, sublime et silencieuse – elle en est quelque sorte un cliché à part entière. La représentation de son surpoids et de son appétit pantagruélique (de nourriture, de contact humain, de tout) grince avec le débat, heureusement de plus en plus répandu, autour de la grossophobie au cinéma. Le public demande à voir l’obésité sans clichés. À libérer la personne grosse de son rôle vicaire de complice / faire-valoir / vecteur de comique. À ce qu’on lui offre un rôle central où ce qui lui arrive n’est pas strictement lié à son poids ou à la perception que la société en a.

Ce qu’on demande aux personnages gros du cinéma du futur et ce qu’on souhaite à Madame Nikuko, c’est que son poids ne soit jamais son destin. La chance lui souriant, c’est déjà un très bon début. EDG