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Elisa Macellari, Kusama : Obsessions, amours et arts, Éditions du Chêne.

Traduit de l’italien par Patrice Salsa

128 pages

188 x 263 mm

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Dans la famille Femmes Fortes, je voudrais Kusama, reine des pois, autrefois grande prêtresse des happenings scandaleux, impératrice absolue de l’art contemporain japonais. Yayoi Kusama (Matsumoto, 22 mars 1929), c’est aussi l’héroïne de toutes les batailles qu’une fille, puis une femme, du XXe siècle est trop souvent contrainte de combattre.

Issue d’une famille qu’elle définira aussi toxique qu’instigatrice (il faut bien un moteur, même ou surtout pour s’enfuir), mère violente, père volage, milieu bourgeois peu enclin aux précoces élans artistiques de la jeune fille. Sa mère, excédée par les infidélités de son époux, contraint la jeune Yayoi à suivre et épier son père : ces images intimes, volées contre son gré, seront à la source d’un profond dégoût du sexe et du phallus qui caractérisera puissamment son œuvre.

Depuis son plus jeune âge, en plus de la guerre à une société patriarcale et figée, Kusama doit lutter contre une autre armée de démons, tout intérieure cette fois : les hallucinations. Fleurs parlantes, galets se multipliant sur le lit d’un fleuve, motifs qui se détachent des nappes et envahissent l’espace mental et physique autour de Kusama. Sa vie durant, l’art et le travail acharné pour faire de l’art, jusqu’à ce qu’elle baptise « self obliteration », ont été un moyen, le moyen, non pas pour museler les interférences de sa psyché mais pour en garder un tant soit peu les rênes et pour recréer chez le spectateur cette sensation d’espace envahi par les visions et ainsi éveiller chez lui l’empathie.

Petite mais complète biographie en images, Kusama : obsessions, passions et art (Éditions du Chêne) d’Elisa Macellari, illustratrice italienne d’origine thaïlandaise avec le vent en poupe et le trait inspiré, retrace avec fraîcheur une vie dédiée – non, plutôt dévouée – à l’art, des origines japonaises aux grands mouvements d’avant-garde de la New-York des années 1960, jusqu’au retour au Japon et à l’admission volontaire dans une structure psychiatrique. Tout y est, avec fidélité : la sororité avec la peintre américaine Georgia O’Keeffe, la longue histoire d’amour platonique avec Joseph Cornell, les prolifiques années new-yorkaises aux côtés de ses homologues hommes (qui auront puisé leur inspiration dans son art à elle, en y gagnant deux fois plus de notoriété), le travail acharné dans tous les secteurs, de l’art à la mode à l’industrie du divertissement à l’écriture.

La lutte quotidienne pour un équilibre mental, contre la précarité de l’artiste, ou mieux, de la femme artiste, dans un impossible cadrage du cercle entre ses élans et les cages familiale et culturelle. Les pois comme un symbole de l’infini, tentative de maîtrise du chaos. Les objets recouverts de phallus en tissu pour sortir de soi le démon du sexe et le mettre à plat et à distance. Elisa Macellari est capable de restituer tout un art sans égarer le sien et restituer la complexité d’une vie psychique chaotique à un public aussi vaste que varié, ainsi que tous les rebondissements de près d’un siècle d’histoire de l’art.

(edg)

 

Pour suivre le travail d’Elisa Macellari : www.elisamacellari.com

Instagram : @elisamacellari