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Saules aveugles Murakami

Un film de Pierre Földes

D’après les nouvelles de Haruki Murakami | France, Luxembourg, Canada, Pays-Bas | 1h49 | Sortie le 22 mars 2023

Tiré de six nouvelles de Haruki Murakami, Saules aveugles femme endormie, en salles le 26 mars 2023, est un sublime voyage onirique dans un Japon suspendu, fraîchement secoué dans ses fondements par le tremblement de terre de 2011. Ce même séisme qui va ébranler les âmes de Kyoko, Komura et Katagiri… Récit d’un coup de foudre.

Torpeur et tremblements

Nous sommes quelques jours après le 11 mars 2011. Un séisme d’une magnitude 9,1 a frappé la côte Pacifique du Tōhoku. La télévision ne transmet que ça. Les esprits ne transmettent que ça. Les conversations tournent en boucle. C’est toujours comme ça quand une journée normale est foudroyée par l’Histoire et se fait événement : le reste du temps est suspendu, comme un culbuto qui reprendrait sa position après de dangereuses oscillations.

Saules aveugles Murakami

C’est dans cette suspension de temps que nous faisons la connaissance de Komura, Kyoko et Katagiri. Leur existence n’a pas attendu un événement majeur pour se mettre en suspension. Tous, chacun à leur façon, flottent sur leurs vies. Komura et Kyoko sont mariés : ils ne se parlent plus trop, chacun est dans sa tête. Komura et Katagiri sont collègues de bureau. En bon salarymen, ils ne sont pas vraiment proches, ils sont juste l’un à côté de l’autre dans un travail qu’ils n’ont pas choisi – et qui ne les a pas choisis non plus.

Mais ce tremblement de terre les sort de la torpeur. Après des jours et des nuits à buller devant les JT, Kyoko quitte brusquement le domicile familial. Komura, retourné par ce séisme conjugal, passe sa vie au crible. Katagiri, anonyme au bord de la crise de nerf, fait l’étrange connaissance d’une gigantesque grenouille qui lui confie la mission de sauver Tokyo d’un nouveau désastre.

Saules aveugles, femme endormie: un (im)précis de Murakami

Autour de ces trois personnages, de leurs rencontres et de leurs visions, Pierre Földes a enchevêtré six nouvelles de Haruki Murakami : Crapaudin sauve Tokyo, Un ovni a atterri à Kushiro, Le jour de ses vingt ans, Le petit grèbe, Saules aveugles femme endormie, L’oiseau à ressort et Les femmes du mardi.

Le réalisme magique de l’auteur japonais le plus lu au monde retrouve de nouveaux contours, différents mais tout aussi rêvés. L’adaptation animée de Pierre Földes, pour laquelle il a fallu – non sans peine – obtenir l’accord de Murakami, n’est pas une traduction de son œuvre en image. C’est plutôt une traduction en visions.

Texte et textures

Saules aveugles, femme endormie est un film à textures : littéraires, visuelles, musicales et sonores. Mais aussi existentielles : l’homme, son âme, les autres corps, les autres âmes, la ville.

Saules aveugles Murakami

Pierre Földes, compositeur avant de se mettre à l’animation, offre aux sons – bruits, musiques, voix – une place au soleil. La bande originale, orchestrale et électronique, apporte aux images une spatialité nouvelle. Le travail sur les voix – les voix des personnages féminins sont des ovnis tombés du ciel, un miracle – déleste l’animation de toute idée préconçue de « dessin animé ».

Avec ses ombres, ses visions, ses interférences psychiques, ses couleurs tantôt bleue-violettes comme la nuit, tantôt tenues comme un soleil qui brille même le lendemain d’un désastre, l’univers visuel de Saules aveugles, femme endormie est à la fois sobre et irréel, rêvé et tout à fait éveillé. À voir absolument, même sans le croire.

EDG.