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Du 29/11 au 30/12

Grande Halle de la Villette, 211 Avenue Jean Jaurès, 75019 Paris.

Du dimanche au jeudi de 10h à 19h, vendredis et samedis de 10h à 20h.

Plein tarif : 15€. Tarif réduit : 10€.

lavillette.com

#MangaTokyoVillette

Du 29 novembre au 30 décembre, la Grande Halle de la Villette propose de découvrir une Tokyo à la fois inédite et populaire : le Tokyo tel qu’il est représenté dans les mangas et le Tokyo qui a changé en fonction des mangas. Bandes dessinées, long-métrages, jeux vidéos, la capitale et ses nombreux quartiers se sont depuis toujours déclinés sous tous les formats et ont servi de décor aux plus folles des histoires. Une exposition passionnante et toute en mouvement à ne pas rater.

 

Le contexte : vous n’avez plus quinze ans depuis (hum) plus de quinze ans, vous venez d’un pays qui, contrairement à la France, consomme plus de pâtes que de manga, votre maman vous interdisait les animes en raison de leur « extrême violence, voyons, enfin » et vous voilà, au comble de votre sens d’inadaptation et d’embarras (et de honte vis-à-vis de maman, quand même, enfin), à l’entrée de la Grande Halle de la Villette.

Mission du jour : Ne pas avoir l’air paumé.e / bête / inculte / excessivement trentenaire en visitant l’exposition « Manga <-> Tokyo ».

Spoiler alert : Mission royalement remportée.

Bonus : Une empathie ridicule et, elle aussi, plutôt maternelle vis-à-vis de Godzilla (le pauvre, cette queue gigantesque) sous toutes ses évolutions , Godzilla ayant vu depuis 1954  plus de mises à jour qu’un smartphone.

Godzilla (1954)

Heureusement, le visiteur n’est pas laissé tout seul dans les rues réelles ou fictives de Tokyo. À l’entrée, il est accueilli par deux personnages de bande dessinée créés spécialement pour l’occasion : Yoriko, adorable médiatrice de l’exposition qui est là pour répondre à vos questions, et Vippie, sorte de canard au couvre-chef en forme de plume d’écriture qui est là pour poser les questions à votre place.

On atterri presque littéralement sur la ville de Tokyo, la salle centrale abritant une maquette impressionnante 1 : 1000 de la ville et de sa baie. Un grand écran montre des scènes de mangas iconiques se déroulant dans tel ou tel quartier qui s’illumine sur la maquette. Je n’ai plus de quinze ans depuis (hum) plus de quinze ans, mais quand les objets s’illuminent je reste généralement la bouche ouverte et l’air peu malin.

Que l’on soit connaisseur ou pas, on comprend vite que le manga dit beaucoup, voire tout, du rapport qu’entretiennent les Japonais avec l’espace, l’espace urbain dans ce cas. Et Tokyo, c’est une ville qui a le désastre dans les veines. Bombardements, incendies, tremblements de terre : cette ville a tout vu, et ce qu’elle n’a pas encore vu, les mangakas lui montrent. On dirait que les dessinateurs éprouvent un malin plaisir – si ce n’est peut-être un besoin souterrain – de détruire la ville qui les abritent. La détruire, la reconstruire, la détruire à nouveau et encore la reconstruire, comme le démontre l’acharnement contre les infrastructures des près de quarante Godzilla et les destructions successives de Tokyo d’Akira de Katsuhiro Ōtomo.

Akira de Katsuhiro Ōtomo

Depuis l’aube de son histoire, quand Tokyo se prénommait encore Edo, la ville a été (littéralement) secouée par les cataclysmes, les tremblements de terre, les incendies. Cette familiarité avec le désastre a façonné la ville, la trempe de ses habitants et leur propre narrative.

Combustible de Katsuhiro Ōtomo (2012)

L’exposition est un véritable voyage spatio-temporel à travers les époques et les différentes âmes de la ville. Du XVIIe siècle à nos jours, des anciens quartiers de prostituées aux konbini colorés d’aujourd’hui, il y a un (au moins) manga pour tous les goûts, toutes les ruelles, tous les moments de la vie. Même quand la bulle spéculative a éclaté et a laissé Tokyo bien moins éclatante, ses habitants ont commencé à se retourner vers eux-mêmes, vers les plaisirs simples, les sensations pures, les univers intérieurs. C’est le cas de l’attendrissante protagoniste de 34-sai Mushoku-san de Takashi Ikeda, employée modèle trentenaire qui, au moment où elle serait censée être le plus active, décide de ne rien faire pendant un an. Rien faire pour tout redécouvrir.

34-sai Mushoku-san de Takashi Ikeda (2011)

L’exposition se clôt en bouclant la boucle du manga. Tokyo qui a servi de décors à tant de mangas, improbables, catastrophiques ou intimes, a réabsorbé le manga dans ses murs. L’imagerie du manga qui avait puisé dans les rues de Tokyo les tapisse désormais de ses personnages : dans le métro, en vitrine, le long des buildings ou sur les étalages des supérettes, tous les messages de la vie quotidienne sont désormais véhiculés par des personnages. Pour en mettre plein la vue au visiteur (surtout à celui qui n’a plus quinze ans depuis plus de quinze ans), on a reconstruit un petit konbini grandeur nature et un wagon de métro. Pour une expérience 100% tokyoïte, encore aurait-il fallu que le wagon soit plein à craquer, mais même vide, il aura valu le détour (et mes gloussements).

Cette exposition fait ce qu’un bon guide devrait faire : il instruit en même temps qu’il fait rêver, il donne à voir et laisse de la marge à la découverte, il laisse voir le cœur des villes derrière les cartes postales.

(edg)