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Agnès Giard, Dictionnaire de l’amour et du plaisir au Japon, Glénat.

354 pages – Public averti

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400 mots-clés et des centaines d’images pour un dictionnaire érotique qui révèle d’un peuple bien plus que ses goûts en matière d’amour et de sexe. Avec sa prose croquante et son savoir touffu, le Dictionnaire de l’amour et du plaisir au Japon d’Agnès Giard est une mise à nu (littérale !) de la culture japonaise.

Qui a peur des encyclopédies ?

Encyclopédie, n.f. Ouvrage qui fait le tour de toutes les connaissances humaines ou de tout un domaine de ces connaissances et les expose selon un ordre alphabétique ou thématique. La justesse de cette expression, « tout un domaine », se révèle dans sa vertigineuse envergure quand on fait face au Dictionnaire de l’amour et du plaisir au Japon d’Agnès Giard (Glénat). Une vie étant rarement suffisante pour faire le tour de son érotisme à soi, on ignore comment un seul être humain est en mesure d’appréhender des millénaires d’histoire érotique étrangère.

Car la culture érotique nippone semble être tout aussi ancienne et mouvementée que sa nature. La nature du pays – montagnes, tremblements de terre, eaux de source et éruptions –  et sa culture sont deux entités qui réverbèrent l’une sur l’autre leurs reflets. Comme le dit Agnès Giard, le Japon est « un pays tourmenté par les spasmes ». Ce qui explique la puissance chtonienne de ses désirs.

Au fil de 400 mots-clés à l’intraduisible (mais délectable) spécificité, ce dictionnaire titanesque débusque le plaisir dans les endroits les plus insoupçonnés. Dents, nez, sumo, vent et rocher… Autant de réceptacles de jouissance que les organes génitaux attitrés et les pratiques sexuelles convenues (et, admettons-le, convenables). Reliant le plaisir au divin et pétrie comme elle l’est de shintoïsme, la culture japonaise investit l’univers de toutes sortes de pouvoirs érotiques.

Qui est le vrai fétichiste ?

Les Japonais ont un rapport complexe au sexe et à l’amour. Voici l’une de ces phrases mi-cliché mi-fantasme que l’on range à côté de « Les Français sont sales », « Les Allemands  rigides » et « Les latins fougueux ». Des phrases qui nous rassurent en schématisant l’univers et en balayant nos petites saletés sous le tapis des autres. Ce qui interpelle chez les Japonais et titille notre propre fétichisme – sexué, certes, mais culturel également -, c’est la dichotomie entre un pays aux traditions ancestrales et son hyper-futurisme. Et ce qui séduit tout Occidental, c’est son étanchéité à la culture judéo-chrétienne. C’est d’observer une enclave avec d’autres péchés (qui n’auront point besoin d’être confessés) et d’autres complexes à éviscérer. C’est découvrir que la culture pornographique a des racines tout aussi anciennes que l’art de l’ikebana ou du jardin zen.

Le Dictionnaire de l’amour et du plaisir au Japon nous embarque même là où nous sommes réticents à aller. Où la jouissance se nourrit du défendu, de la douleur, des limites. Avec la même rigueur scientifique et la même fraîcheur, Agnès Viard déplie les revers les plus reculés du plaisir.

Foisonnant et incroyablement complexe : l’érotisme à la nippone n’aura plus aucun secret pour vous. Il ne vous restera plus qu’à éviscérer votre propre plaisir avec le même dévouement encyclopédique maintenant. EDG.