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35 agences, 64 projets et 13 femmes architectes : voici les chiffres-clés de l’exposition Quand la forme parle, à découvrir jusqu’au 19 février 2022 à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Forgée par l’éclatement de la bulle spéculative et deux séismes majeurs, l’architecture nippone contemporaine est bel et bien un sport de combat. 

 

« La forme est une solution » (NAGAYAMA Yuko)

Deux parenthèses calamiteuses semblent contenir l’exposition Quand la forme parle : nouveaux courants architecturaux au Japon (1995-2020). À son origine, en 2018, la crue de la Seine submerge l’Asile Flottant, ancien refuge réhabilité par Le Corbusier où doit se tenir l’exposition. Changement de décor, cap sur la MCJP. À son inauguration en 2020, la pandémie de Covid-19 provoque une fois de plus le renvoi de l’exposition. Elle met également à défi l’architecture en tant que telle, car l’espace – tout espace – doit être repensé sous le signe de la distanciation.

« La forme est un comportement » (ofa)

Mais affronter les calamités, c’est la force de l’architecture nippone. Exit les projets fous d’avant 1995 où la forme n’obéissait qu’à son bon vouloir, sans se soucier de la fonction ou de l’environnement. La récession et les deux catastrophes de 1995 et 2011 remettent l’église au centre du village et Le Corbusier au cœur du débat. Les architectes exposés ont tous commencé à travailler après cette date fatidique. Malgré leurs différences, des questionnements communs résonnent. La forme et sa relation à l’environnement. Le rapport – de plus en plus poreux – entre le public et le privé. L’architecture conçue pour et par la communauté.

« La forme est une langue commune » (INUI Kumiko)

De façon inédite, l’exposition délaisse la capitale. En effet, dans son immense diversité géographique, la Japon réserve un défi naturel pour chaque latitude. À cela s’ajoutent les tremblements de terre. La grande destruction de 1995 et 2011 a promu néanmoins la prise de contact entre les architectes et la population. Celle-ci peut même participer à la conception des espaces à rebâtir. C’est le cas par exemple des projets d’INUI Kumiko ou de IWASE Ryoko, où les riverains sont appelés à participer au projet et à s’occuper des espaces conçus pour eux.

« La forme est la vie » (Tezuka architects)

D’autres éléments de contexte façonnent l’architecture contemporaine japonaise. La population vieillissante, la fluidité entre lieux de vie et espaces de travail, le besoin de relations humaines et intergénérationnelles : tous ces éléments convergent vers la création d’espaces multiples. La frontière entre le privé et le public se brouille. À l’image de la maison traditionnelle japonaise, les espaces se modulent et se juxtaposent selon les besoins. Des habitats bicéphales, rares chez nous, apparaissent : appartements-boutiques, maisons-cantines, dojos-ateliers… Le but, c’est d’être ensemble, et agréablement.

NAGAYAMA Yuko est exemplaire dans ce sens. Première femme en absolu à projeter le pavillon du Japon pour l’expo 2020 Dubai, elle a conçu la Maison à Katsutadai. Appartement familial à l’étage, pâtisserie au rez-de-chaussée, la construction, rappelant une boîte à gâteaux entrouverte, fait en sorte que les espaces se frôlent sans se perturber.

« La forme est cette chose dont l’architecture n’arrive pas à parler… » (YOSHIMURA Maki)

En privilégiant la province et en incluant un tiers d’architectes femmes parmi ses exposants, Quand la forme parle se veut réellement à l’image du Japon d’aujourd’hui. Les maquettes, délaissées chez nous au profit des folies du 3D, demeurent une colonne portante de la pratique architecturale nippone. Elles lui imposent également sa limpidité essentielle. Elles nous disent une façon de faire, mais également un forme d’être. Exactitude, poésie du tout-petit, religiosité de la technique maîtrisée. Le japonais architectural a beau être une langue étrangère, elle n’en est pas moins accueillante.

 

(edg)

 

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