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Notre sélection des films japonais incontournables

De Mizoguchi à Hamaguchi, du silence d’Ozu à la rage de Kitano, le cinéma japonais avance par continuité plus que par rupture. Chaque époque y redéfinit la même question : comment vivre avec justesse, comment transformer la douleur en beauté.

Dix films qui résument un siècle d’images, de pensées, un art du regard en somme.

1. Voyage à Tokyo – Yasujirō Ozu (1953)

Deux parents âgés se rendent à Tokyo pour rendre visite à leurs enfants. Rien n’y semble dramatique, et pourtant tout bouleverse. Ozu filme la distance entre générations avec un art du non-dit inégalé : la tasse de thé, la lumière de fin d’après-midi, un silence trop long. Dans sa simplicité, le film dit tout : le temps qui passe, l’amour qui s’efface, la tendresse qui demeure. Un sommet d’épure et de vérité.

2. L’Intendant Sanshō – Kenji Mizoguchi (1954)

Conte tragique et humaniste, ce chef-d’œuvre interroge la bonté face à la cruauté du pouvoir. Mizoguchi y déploie une mise en scène d’une grâce absolue : travellings fluides, compositions picturales, visages habités. Chaque plan respire la compassion. Le film se lit comme une prière laïque : celle d’un monde où la dignité reste la seule liberté possible.

3. Les Sept Samouraïs – Akira Kurosawa (1954)

Fresque héroïque, mais d’abord morale. Sept hommes défendent un village contre des bandits, et découvrent que la vraie victoire ne se gagne pas à l’épée. Kurosawa orchestre ce récit monumental avec une précision mécanique : la pluie, la boue, le vent deviennent personnages. C’est le film qui a ouvert le Japon au monde — une épopée d’humanité et de courage collectif.

4. Contes cruels de la jeunesse – Nagisa Ōshima (1960)

Film-manifeste de la Nouvelle Vague japonaise, Contes cruels de la jeunesse fait exploser les conventions. Ōshima filme deux jeunes gens perdus dans le tumulte du Tokyo d’après-guerre, entre rébellion et autodestruction. La mise en scène nerveuse, les couleurs vives, les gestes brusques traduisent une rage sociale. C’est un cri contre l’hypocrisie, une déclaration d’indépendance du cinéma japonais.

5. Hara-Kiri – Masaki Kobayashi (1962)

Sous la forme d’un drame de samouraïs, Kobayashi signe une dénonciation implacable du conformisme et de l’autorité. Le duel devient une mise en accusation du code de l’honneur lui-même. Sa mise en scène géométrique, son noir et blanc tranchant donnent au film une force morale et politique inédite. Une œuvre magistrale sur la dignité individuelle face aux institutions.

6. La Femme insecte – Shōhei Imamura (1963)

Imamura s’éloigne de la pureté d’Ozu pour plonger dans la matière du monde : le corps, le travail, la survie. Son héroïne, née pauvre, grimpe obstinément dans une société indifférente. Il filme la vitalité brute, la sensualité et la ruse comme des formes de résistance. Un grand film sur la force de vivre, entre réalisme social et énergie primitive.

7. Tampopo – Jūzō Itami (1985)

Comédie gastronomique et satire sociale, Tampopo est un ovni délicieux. Une restauratrice cherche la recette du ramen parfait ; autour d’elle, Itami tisse un portrait drôle et tendre du Japon urbain. Entre burlesque et philosophie du goût, le film célèbre la curiosité, le partage, l’art de faire simple et juste. Une ode à la passion, à la transmission et à la sensualité joyeuse.

8. Hana-bi – Takeshi Kitano (1997)

À la fois film noir et poème visuel, Hanabi condense l’art de Kitano : violence sèche, pudeur extrême, éclats de beauté. Un ancien policier, mutique et blessé, cherche une paix impossible. Kitano filme les silences comme des coups de feu, la peinture comme une échappée vers la lumière. Entre mort et tendresse, c’est un film sur la rédemption par la beauté, d’une intensité rare.

9. Nobody Knows – Hirokazu Kore-eda (2004)

Quatre enfants abandonnés dans un appartement de Tokyo : un drame sans cri ni musique. Kore-eda filme leur survie au rythme de leur respiration. Le temps s’étire, les visages grandissent, la vie continue. Tout passe par le geste et la lumière — un cinéma de compassion absolue, qui regarde la fragilité avec une douceur inouïe.

10. Senses – Ryūsuke Hamaguchi (2015)

Cinq femmes, cinq chapitres, un même mouvement intérieur. Hamaguchi filme la conversation comme une matière sensible : la parole devient territoire d’émotion et d’émancipation. Rien n’est spectaculaire, tout est juste. C’est un film sur l’écoute, sur le courage discret de se réinventer, sur la liberté qui naît dans le collectif. L’un des grands films du Japon contemporain.