
Un film de YÛHO ISHIBASHI
Japon | 1h16 | Le 18 mars 2026 au cinéma
52 avisAvec une infinie délicatesse, la réalisatrice Yuho
Ishibashi livre le portrait subtil d’une jeunesse
en quête de sens, avec l’actrice d’Asako I & II.
À 24 ans, Nozomi a abandonné son tailleur de commerciale pour l’uniforme modeste d’une supérette. Entre la monotonie rassurante du quotidien et la complicité de ses collègues, elle pense avoir trouvé un fragile équilibre. Mais l’irruption d’une ancienne amie du lycée dans le « konbini » vient bouleverser sa routine et la confronter à ses choix de vie.

Comment donner du sens à sa vie ? Face à toutes sortes de crises sociales, environnementales et identitaires, beaucoup des jeunes d’aujourd’hui ne se contentent plus de suivre les chemins tous tracés de leurs aînés. En quête d’harmonie dans un monde incertain et fragmenté, a fortiori depuis la récente pandémie, nombreux sont ceux qui questionnent les normes pour mieux redonner une cohérence – et une valeur – à leur existence. Entre espoir et désillusion, cette recherche devient un puissant moteur de transformation personnelle et collective, un raz-de-marée sociétal qui vient tout bousculer. Nozomi fait elle aussi le choix du pas de côté. La jeune femme, à la carrière pourtant prometteuse, quitte sans crier gare le monde de l’entreprise dont elle est ressortie broyée, entre interminables heures sup’ et toxicité managériale. Dans une société où l’on recense d’innombrables suicides pour surmenage (les semaines de travail au Japon figurent parmi les plus longues des pays industrialisés…), La Fille du Konbini interroge la possibilité d’emprunter une autre voie : celle de la vie bonne. « En te levant le matin, rappelle-toi combien précieux est le privilège de vivre, de respirer, d’être heureux » disait Marc-Aurèle. C’est ce que découvrira à sa manière Nozomi, une fois qu’elle aura dépassé sa peur du jugement pour mieux goûter aux plaisirs simples de l’existence.

Il y a encore quelques mois, jamais Nozomi n’aurait imaginé plaquer son job dans une agence de pub — carrière brillante, salaire correct, stress garanti — pour enfiler un tablier dans un konbini, l’une de ces supérettes ouvertes jour et nuit, emblématiques au Japon. Un boulot sans prestige… mais aussi sans crises! À quoi aspire-t-elle ? Elle est la première à l’ignorer. Pour l’heure, elle demeure prisonnière d’un sentiment d’échec, hantée par l’impossibilité d’en parler à ses parents. C’est finalement une retrouvaille fortuite avec une ancienne camarade de collège, Izumi, qui va lui permettre de renouer avec elle-même… et l’ivresse ! Avec une légèreté réconfortante, délicieusement décalée, Yûho Ishibashi saisit cette renaissance : derrière la désillusion du rêve salarial, elle fait surgir la tendresse du lien et la quiétude qu’on trouve à vivre hors du cadre. Le quotidien de Nozomi se voit peu à peu traversé par une série de connexions inattendues — notamment avec ses collègues (on pense à la pétillante et téméraire Ayano, qui incarne une génération plus libre, moins soumise à la nécessité de se conformer au moule de l’entreprise pour exister socialement).

Erika Karata, révélée en 2019 dans Asako I&II de Ryusuke Hamaguchi, brille une fois de plus en rendant palpables les tourments intérieurs de Nozomi, avec un jeu tout en délicatesse. On suit son cheminement au fil des rencontres, ses doutes et ses fragilités, sans jamais céder au drame. Le film prend alors une voie inattendue : celle de l’amitié. La Fille du Konbini est un beau manifeste générationnel, qui pose un regard apaisé sur la quête de liens authentiques. Sa vivifiante atmosphère évoque la poésie de Richard Linklater, de Hong Sang-soo ou de Jonás Trueba (Eva en Août, 2020). En prime : des parties de bowling, de bons petits plats, des soirées pyjama et des discussions qui font du bien ! Jamais le banal n’aura paru donner un sens si profond et merveilleux à la vie.
O. J.





