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Du 17/03 au 17/05

L’art du Mont Fuji, à la Sway Gallery, 18–20 Rue de Thorigny, 75003 Paris.

Prolongée jusqu’au 17 mai.

Le Mont Fuji n’est pas seulement la plus haute montagne du Japon, culminant à 3 776 mètres. C’est aussi un volcan, un stratovolcan pour être plus précis et l’un des sites naturels les plus représentés de l’Histoire de l’art. Son aura est telle qu’il constitue l’un des symboles du Japon. Mais pourquoi un tel engouement de la part des artistes ? Qu’ont-ils retenu de ce motif ?

Le Mont Fuji n’est pas seulement la plus haute montagne du Japon, culminant à 3 776 mètres. C’est aussi un volcan, un stratovolcan pour être plus précis et l’un des sites naturels les plus représentés de l’Histoire de l’art. Son aura est telle qu’il constitue l’un des symboles du Japon. Mais pourquoi un tel engouement de la part des artistes ? Qu’ont-ils retenu de ce motif ?

Explication à partir de quelques estampes présentées jusqu’au 17 mai à la Sway Gallery à Paris, et d’autres incontournables.

Une montagne sacrément parfaite

Le Mont Fuji, c’est d’abord l’archétype de la montagne idéale, avec sa forme iconique parfaite, son pic enneigé.

Selon la croyance des Japonais, les montagnes sont sacrées ; des divinités protectrices et les esprits des ancêtres ou kami, sont supposés y résider. Au 12ème siècle, les adeptes de la secte Sugendo sont les premiers à faire de son ascension un exercice de leur ascèse. Au début du 17ème s, les membres de l’organisation Fujiko, d’obédience shintoïste ou bouddhiste, gravissent régulièrement le Mont Fuji dans un rite purificateur. Avec la popularité croissante de Fujiko durant la période Edo (1600–1868), le Mont Fuji attire de plus en plus de grimpeurs.

Des répliques miniatures sont créés à la fin du 18ème et au début du 19ème, à l’usage des personnes âgées, dont la condition physique ne permet pas de se mesurer au véritable Mont Fuji et des femmes, auxquelles l’accès au lieu, dans un premier temps, est tout simplement interdit.

Hokusai, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1830 — Groupe de grimpeurs-

36 nuances du Mont Fuji

L’innovation majeure des maîtres de l’estampe de la période Edo, Hokusai (1760–1849) en tête, tient dans leur approche naturaliste. Le Mont Fuji est représenté depuis plusieurs points de vue, à différents moments de la journée, à toutes les saisons. En 1830, Hokusai qui lui voue un véritable culte, y puise une incroyable source d’inspiration et entreprend à 70 ans, la réalisation d’une série d’estampes, ses Trente-six vues du Mont Fuji (qui seront au nombre de 46 finalement). Chez lui, le volcan peut occuper tout l’espace de représentation, jouer la vedette : il participe à la légitimation du paysage comme genre artistique à part entière.

Hokusai, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1833. De rouge vêtu.

D’autres fois, il apparaît comme un détail à l’arrière plan, presque négligeable, comme dans la fameuse Vague de Kanagawa. L’intérêt d’Hokusai se porte davantage sur l’activité des hommes, ridiculement minuscules, aux prises avec cette nature capricieuse et souveraine que symbolise le Mont Fuji.

Hokusai, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1833 – “Sous la vague au large de Kanagawa (Kanagawa-oki nami-ura)”… de pauvres pêcheurs.

Hokusai, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1833. Le Mont Fuji se résume à une ligne brisée dont le mouvement est repris par celui des vagues au premier plan. Un art consommé du vide et du plein, en lien avec la tradition de la peinture chinoise.

Ses compositions sont très dynamiques, barrées de lignes et d’obliques qui se répondent, privilégiant les formes géométriques imbriquées, jouant des raccourcis. C’est le premier à introduire les techniques de perspective occidentale dans l’art de l’estampe, sans toutefois y sacrifier complètement la traditionnelle bi-dimensionnalité orientale.

Hokusai, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1833. Quantités de triangles se répondent dans cette composition sans ligne d’horizon dans la pure tradition de l’estampe japonaise. Des nappes de nuages blancs contribuent à créer l’illusion d’éloignement entre le premier et deuxième plan.

Suite au succès commercial de ses Trent-six vues, Hokusai récidive avec une nouvelle série d’estampes quasi-monochromes, Cent vues du Mont Fuji. Dans les pas de son rival, Hiroshige (1797–1858) produit aussi, dans un style moins épique, une série dédiée au célèbre volcan.

Hiroshige, De la série “Trente-six vues du Mont Fuji”, vers 1829–1830

Un beau prétexte

Durant l’ère Tenpo (1830–1845), le pays souffre de famine et de grandes réformes sont décidées par le shogunat. Sous couvert de bonne moralité, la production d’estampes représentant des acteurs et des actrices, alors très populaire, est interdite. Les éditeurs publient des séries ayant soi-disant le paysage pour thématique, reprenant pour certaines le titre de “Trente-six vues du Mont Fuji”. La montagne, reléguée au dernier plan, y sert de prétexte et constitue un lointain décor à des scènes de théâtre, jouées par des acteurs contemporains. Sans être nommés, ceux-ci sont facilement identifiés par tous.

Utagawa, acteur de Kabuki devant le Mont Fuji, vers 1852

Mont Fuji, nostalgie

Au 20ème siècle, Kawase Hasui(1883–1957), membre du mouvement shin-hanga qui revendique l’héritage des grands maîtres de l’estampe reprend le flambeau, dans une veine foncièrement nostalgique.

Kawase Hasui, Mont Fuji, vers 1932

La représentation du Mont Fuji semble finalement presque aussi immuable que la montagne elle-même, comme suspendue à la vision qu’en ont donnée les grands maîtres de l’ukiyo-e de l’époque Edo. Le Mont Fuji comme moyen d’arrêter le temps pour nous spectateurs et vraisemblable élixir de jeunesse pour celui qui l’a honoré de la plus belle manière, Hokusai.

 

“Depuis l’âge de 6 ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l’âge de 50 ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de 70 ans ne vaut pas la peine d’être compté. C’est à l’âge de 73 ans que j’ai compris à peu près la structure de la nature vraie des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes. Par conséquent, à l’âge de 80 ans, j’aurai fait encore plus de progrès ; à 90 ans, je pénétrerai le mystère des choses ; à 100 ans, je serai certainement parvenu à un stade merveilleux et, quand j’aurai 110 ans, tout ce que je ferai, un point, une ligne, sera vivant”. Hokusai