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Asako I&II, de Ryûsuke Hamaguchi
avec Masahiro Higashide, Erika Karata
En salles le 02 Janvier – Japon – 1h59

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Asako est amoureuse de Baku, électron libre. Sa disparition soudaine la rend inconsolable, jusqu’à sa rencontre deux ans plus tard avec Ryohei, le sosie exact de Baku, au caractère totalement opposé… Une inventivité vertigineuse. Le meilleur film japonais de 2019.

Sous quel angle aborder un film comme Asako I&II ? On se laisse charmer par les différents genres auxquels il nous amène, comme bercés par toutes ses possibilités. Les Anglo-Saxons ont tendance à résumer les histoires d’amour romantiques en « girl meets boy » (une fille rencontre un garçon) : Asako peut se fondre en partie dans cette expression. Tout allait d’abord particulièrement bien pour elle. Sa rencontre avec Baku tenait du coup de foudre telle l’explosion d’un feu d’artifice (« Hanabi » en japonais !) au moment de leur premier baiser. Alors qu’elle pense avoir trouvé l’homme de sa vie, un beau matin il sort pour acheter des chaussures et disparait. Cette entrée en matière sème déjà le trouble : après avoir exploré au printemps dernier avec un époustouflant sens du naturalisme la psyché féminine dans la saga Senses, Ryûsuke Hamaguchi aurait-il préféré ici la pente sentimentale ? Les évènements à venir confirmeront qu’il n’en est rien.

Jamais remise de cette rupture brutale, Asako quitte tout ce qui lui rappelait Baku, et Osaka aussi pour s’installer à Tokyo où elle rencontre quelques temps plus tard Ryohei, double physique de Baku, dont elle va à son tour s’éprendre. Mais est-ce pour son caractère plus tempéré ou pour raviver la flamme de son amour perdu ?

Avec ce rebondissement, Hamaguchi repousse en réalité les stéréotypes des romances à l’eau de rose pour se resserrer sur un splendide portrait de femme, assoiffée d’épanouissement qui a finalement tout d’une extension de celles de Senses: même si Asako I&II tourne autour du mystère liant Ryohei et Baku, c’est avant tout le point de vue féminin qui intéresse Hamaguchi avec ce personnage-titre partagé entre un homme qui lui est amoureusement dévoué et un autre séduisant par son refus de l’engagement.

La profondeur et la subtilité avec laquelle cette femme est dépeinte la classe dans les héroïnes complexes et conquérantes. Les traits du visage d’Erika Karata comme la manière très graphique dont est filmée sa silhouette la rapprochent en revanche d’une poupée de cire difficile à cerner. C’est que les personnages sont forts, et contradictoires. On sent l’admiration d’Hamaguchi à leur égard. La disparition de l’un d’entre eux (c’était déjà le cas dans Senses) est finalement chez lui l’épicentre d’un séisme dont il va falloir se remettre. Le couple du film, avant d’être lui-même victime du choc de la décision amoureuse, ne vient-il pas en aide aux victimes de Fukushima ? Il y a manifestement du curatif dans le cinéma du Japonais avec en son cœur un magnifique projet : explorer ses propres secousses au moment où la clé d’une énigme intime se démêle enfin… A.M