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Tenzo de Katsuya Tomita
En salles le 27 Novembre – Japon – 1h03

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Chiken et Ryûgyô sont deux bonzes de l’école bouddhiste Sôtô. Ils se sont connus pendant leur apprentissage spirituel. Chiken, qui vit avec sa femme et son fils à Yamanashi, s’investit dans la prévention du suicide et dispense les préceptes d’une alimentation végétale et zen. A Fukushima, Ryûgyô, seul, fait face aux ravages du tsunami. Son temple détruit, il travaille au déblaiement de la région et accompagne les victimes relogées en préfabriqués.

C’est comme le paradoxe de l’arbre : si un arbre tombe au milieu d’une forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre – le son n’étant, après tout, qu’une vibration du tympan – cette chute aura-t-elle fait du bruit ? De la même façon, un moine bouddhiste  est-il encore un moine bouddhiste si une catastrophe nucléaire le prive de son  temple et de ses fidèles ?

C’est l’une des questions que le réalisateur Katsuya Tomita pose dans Tenzo, et le questionnement existentiel de l’un de ses personnages, Ryûgyô. Où range-t-on sa foi quand il n’y a plus de traces du temple ? Comment conjuguer sa spiritualité avec un monde en débris ? Et, plus largement, qui sont ces moines bouddhistes au quotidien ? Une fois la pratique du zazen terminée, une fois debout, dans la rue, à la maison, au bar, qui sont-ils ?

 

Fruit d’une commande de l’école Sōtō d’abord, puis d’un bras de fer avec ses moines, Zazen suit deux anciens camarades d’études spirituelles, Chicken et Ryûgyô, et trace, à travers leurs vies à la fois anodines et universelles, le portrait sans fard d’un moine zen en 2019, un moine ayant à se confronter chaque jour avec le post-Fukushima, la vie conjugale, la prévention du suicide, le végétarisme. Bref, le Japon contemporain. À la croisée entre le documentaire et la fiction, le noyau de Tenzo réside dans le zen mondo, l’échange maître-disciple entre le moine Chicken et la nonne Aoyama Shunto. Leur échange, bien réel, a inspiré à Katsuya Tomita le reste du récit. À Yamanashi, Chicken, solide encore dans les bottes de sa foi, donne à l’alimentation un rôle central de son parcours spirituel. Et s’il est vrai que le bouddhisme zen préconise de ne rien manger de superflu, les allergies de son jeune fils, bien plus prosaïques, sont un deuxième moteur à sa réflexion. À Fukushima, son condisciple Ryûgyô a la vie plus dure : ayant perdu temple et fidèles dans la catastrophe de Fukushima, il s’est reconverti en maçon et peine parfois à rassembler sa foi, l’alcool n’aidant pas. Ryûgyô s’inspire, au grand dam de l’association des jeunes moines ayant commandité le documentaire, de bon nombres de moines que Fukushima aura jeté dans la précarité et le désespoir.

Katsuya Tomita se love depuis toujours contre les marges de la société nippone : avec Saudade, il avait affronté le thème du racisme et de la scène underground japonaise ; avec Bangkok Nites, il s’était aventuré dans le monde de la prostitution. C’est avec la même franchise et la même attention aux marges qu’il parvient à se faire portraitiste du spirituel sans devenir un chantre mercenaire. Le bouddhisme qu’il rend à l’écran avec un savant mélange de moments de grâce visuelle et choix filmiques déroutants gagne en atemporalité et profondeur, justement parce que sans cesse interrogé, mis en doute et confronté avec un monde sur lequel, malgré les bosses et les débris, il faudra bien trouver le temps et les moyens de s’assoir pour méditer.

(edg)