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Ryô Hirano, Quenotte et Le Monde Fantastique vol. 1, Casterman.

Traduction de Wladimir Labaere

18 x 23,5 cm

288 pages

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« À cheval donné on ne regarde pas les dents », dit le proverbe. Et quand on dégotte un ami et que celui-ci est littéralement une dent géante, non plus ! Quenotte et Le Monde Fantastique de Ryô Hirano, tout juste sorti chez Casterman, suit les aventures du petit Biko et de son ami Quenotte, une molaire géante au sourire doux, au centre et à la surface de la Terre. Créatures impensables, décors démentiels, aventures barrées : Quenotte et Le Monde Fantastique, c’est une odyssée loufoque mais également un portrait très juste et délicat de l’amitié.

 

Ryô Hirano, classe 1988, mangaka, comédien, musicien, diplômé de la prestigieuse université des beaux-arts de Tama, un visage rangé qui n’est que le paravent d’une jungle mentale foisonnante et sauvage, aussi débridée à l’intérieur que sa carapace est lisse. Sa biographie dit : «Ses thématiques de prédilection sont les fantômes, l’amour, et les événements de tous les jours».

Et au cœur de Quenotte et Le Monde Fantastique, sorti au Japon en 2013 et désormais disponible en français chez Casterman, il y a ça : des fantômes, de l’amour et du quotidien. Mais il y a aussi des arbres musclés, de ravissantes femmes-cônes, des créatures mi-boyau mi-robot et, par dessus tout, un couple d’amis pas comme les autres : le petit Biko et son nouvel ami Quenotte, une dent géante au regard doux et à l’émail solide. C’est en décidant de sortir de la forêt où ils ont toujours vécu et de voir le monde qu’ils découvrent que, des mondes, il y en a deux : la Terre, celle que nous connaissons, à la surface ; et le centre de la Terre, le leur, en dessous. Entre les deux mondes, de rares et périlleux passages. La menace écologique rode, les rapports entre les deux faces de la planète sont belliqueux et obtus, l’eau se raréfie – de quoi vous rappeler notre monde bien réel, n’est-ce pas ?

Quenotte et Le Monde Fantastique, c’est la folle série de rencontres que ces deux petits gars font sur leur route, à travers les contrées loufoques du centre de la Terre. Le trait de Ryô Hirano est débridé et vorace, son univers visuel complètement imprévisible : la faune, la flore et les machines imaginées par son génie ne sont pas sans rappeler Les hommes salmonelle sur la planète porno, perle de science-fiction érotico-botanique écrite par Yasutaka Tsutsui en 1979 et publiée chez Wombat.

Malgré une absence déroutante de repères, l’univers de Ryô Hirano étant peuplé de plantes parlantes et de robots humanoïdes, une chose nous la reconnaissons. Elle est partout dans la BD et très poétiquement représentée : l’attachement. Chaque rencontre, c’est le coup-de-foudre, la prise de conscience que pour nouer un lien il suffit d’un instant et, après cet instant, rien n’est plus comme avant. Peu importe que l’on soit un robot, une dent de sagesse, un petit garçon ou un personnage de jeu vidéo, on a tous un grand besoin d’amour : on a besoin d’aimer, d’être aimé, de rougir, de se battre, d’avoir le cœur brisé et de le rafistoler. On a tous un amour lointain auquel on pense quand on regarde une étoile. Car, au final, on a beau être entouré de robots anthropophages et de plantes qui parlent, on a beau devoir sauver la planète d’une menace écologique ou d’un monstre gluant, il n’y a pas plus aventureux et périlleux qu’aimer et être aimé.

(edg)