Skip to main content

Du 16/01 au 16/03

Foujita : Œuvres d’une vie (1886-1968)

Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis quai Branly, 75015 Paris

Du mardi au samedi, de 12h à 20h

Tarifs : 7€ / réduit 5€

www.mcjp.fr

En 2018 les Parisiens ont découvert le Foujita des années folles lors d’une grande exposition proposée par le Musée Maillol. Ils peuvent désormais voir ce qui s’est passé après les années 1930, l’École de Paris et la jeunesse. Ce n’est pas tant les œuvres d’une vie que la MCJP propose, mais une vie en œuvre(s), une histoire personnelle qui se lie et se mélange à la grande Histoire et les changements et périples d’une homme qui se traduiront en autant de styles et d’influences.

 

Foujita, c’est toute une icône de style(s), à la rue comme sur la toile. Coupe au bol iconique, lunettes rondes iconiques, boucle d’oreille iconique, petite moustache iconique (et définir cette moustache iconique, c’est faire une entorse et une fleur à l’histoire de la moustache et à toute l’iconographie du XXe siècle), Tsuguharu Foujita paraît avoir vécu neuf vies, comme les chats qu’il affectionne tant et qui n’ont jamais déserté ses tableaux, des nus alanguis des années parisiennes, à ses autoportraits, aux énigmatiques hommages à La Fontaine de l’après-guerre.

Tsuguharu Foujita naît à Tokyo en 1886 dans une famille aristocratique et francophile. Il étudie le français dès l’école primaire et à vingt-sept ans, son diplôme des Beaux-Arts en poche, il réalise un rêve. Ce rêve s’appelle Paris. Il se lie d’amitié avec les membres de l’École de Paris – Picasso, Modigliani, Soutine… -, il s’acoquine avec les peintres de Montparnasse (et leurs muses). Pendant cette première période, ses tableaux s’imprègnent des influences du Douanier Rousseau et de Pablo Picasso.

Vient la Première Guerre et ce qu’elle laisse derrière elle, c’est une toile délavée des couleurs fortes et réduite à un noir d’ébène et un blanc de coquillage. C’est l’époque des portraits nus allongés, corps tout pâles sur fond tout sombre et rien qu’un souvenir de rose, une ongle, un téton, une bouche. Le style de Foujita se profile, son succès explose.

Léonard Foujita, Nu couché à la toile de Jouy, 1922, (C) Fondation Foujita / ADAGP

 

Puis le roulement de l’amour, la lassitude parisienne et un sale redressement fiscal le poussent à reprendre la route. Cap vers l’Amérique Latine, vers la peinture murale mexicaine, vers cette palette de couleurs chaudes et terriennes qui n’appartient pas aux villes d’Europe et vers un surréalisme nouveau, autre. De l’Amérique, Foujita rejoint enfin, après une absence de vingt ans, le Japon.

Léonard Foujita, Lutteurs à Pékin, 1935, © Fondation Foujita

 

Vient la Seconde Guerre mondiale, Foujita est appelé à participer à l’effort belliqueux par la peinture, il accompagne les troupes et  réalise d’imposantes compositions visant à exalter l’impérialisme nippon. Le Foujita de la guerre, c’est un Goya ou un Delacroix qui peint l’horreur avec un camaïeu de bruns et de boue. Deux de ces tableaux aussi grandioses qu’intolérables sont présentés pour la toute première fois en France : Morts héroïques sur l’île d’Attu (1943) et Nos frères de Saipan fidèles jusqu’à la mort (1944-45). On ne saurait distinguer les Japonais des Américains : on voit des hommes se massacrer, se mordre, se tordre, s’aider d’un pied pour se tirer une balle dans la tête. Une horreur qui ne connaît pas de dreapeau. Dans tout ce brun de malheur, seule la lueur d’une mâchoire qui croque une main d’ennemi.

La guerre se termine enfin et Foujita peut quitter le Japon pour les États-Unis d’abord, puis la France, encore et toujours. Le conflit mondial a créé chez lui de nouvelles obsessions figuratives et symboliques : les animaux, de plus en plus, les enfants, poupons aux allures énigmatiques de Joconde, et les sujets religieux. Toujours attiré par l’art sacré européen, Foujita et sa dernière épouse se convertissent au catholicisme. Son art se peuple d’anges et de Madones, de portraits de l’artiste en homme pieu.

Ce qu’offre en trente-six œuvres la Maison de la Culture du Japon, c’est le résumé d’une vie, ou pour mieux dire, des nombreuses vies qui composent la vie, avec ses recherches, ses allées et venues, ses déviations et ses retours aux sources – les sources qui nous enfantent et celles auxquelles on part s’abreuver pour devenir adulte. En trente-six œuvres, l’histoire d’un homme, de son siècle et de ses lieux de naissance et renaissance.

(edg)