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L’exposition Encore un jour banane pour le poisson-rêve, qui vient de débuter au Palais de Tokyo, est un des événements majeurs de la manifestation Japonismes 2018. Son titre s’inspire de celui d’une nouvelle de J.D Salinger publiée en 1948, « Un jour rêvé pour le poisson banane, dans laquelle le héros Seymour peine à trouver sa place entre une enfance à jamais perdue et une vie d’adulte à laquelle il ne se résout pas.

Conçue en collaboration avec la commissaire d’exposition japonaise Kodama Kanazawa, cette exposition met en lumière des artistes de toutes nationalités parmi lesquels plusieurs sont originaires du Japon.

 

Tous explorent l’idée d’enfance, considérée non pas tant comme un âge de la vie, celui d’une hypothétique insouciance, que comme un état de la vie, durant lequel les identités se cherchent, hésitent et se construisent.

Caroline Achaintre, Todo Custo, laine tuftée à la main, 2015

L’enfance où se décline toute la palette de l’informe et de l’hybridité, à en croire les expressions sucrées de Sabrina Vitali, les tapis-montres de Caroline Achaintre, les silhouettes indéfinies dévoilées par Megan Rouney, les sculptures plissées de Keita Miyazaki et les instruments de musique trafiqués de la Parade de Yoko Mohri.

Petrit Halilaj, Abetare, Installation, 2015-.

L’enfance où rien n’est jamais définitif mais où les sentiments sont perçus avec une intensité extrême comme le montrent ces visages, filmés en gros plans par Philippe Gandrieux, où se lit tantôt la joie, la surprise ou la frayeur.

Ugo Rondinone, Vocabulary of Solitude, 2016. Courtesy de l’artiste.Crédit : Stefan Altenburger.

L’enfance comme espace d’une inévitable solitude, d’une douce mélancolie, de celle que nous vivons avec les clowns de Ugo Rondinone et les petits personnages isolés de Tomoaki Suzuki.

Sharon Lockhart, Podwórka, vidéo, 2009.

L’enfance, règne du perpétuel émerveillement, celui qu’expérimentent dans leurs jeux ces jeunes garçons et filles filmés en longs plans séquences par Sharon Lockhart. Mais aussi une enfance d’où naissent toutes sortes d’angoisses. Le rituel du repas pris en famille, a priori banal, ne semble-t-il pas absurde voire effrayant à travers les yeux de Anna Hulacova ? Ses personnages en béton paraissent s’affairer dans la cuisine mais il leurs manque des mains et parfois même un visage…

L’enfance, enfin, vue par Clément Cogitore comme un passage avec des épreuves à surmonter mais qui, à l’encontre des contes traditionnels, n’aboutissent à aucun statut définitif, à aucune maturité supposée supérieure. L’artiste et réalisateur français a imaginé pour l’exposition des espaces-transitions, en collaboration avec des artisans d’art : une porte d’allure antique gardée par deux sphinx pareillement brisés, un lourd rideau de velours théâtral qui s’ouvre mystérieusement et se referme brutalement, une Chambre de la mélancolie aux murs tagués envahie des broderies de Aurélie Lanoisée…

L’enfance, environnement instable, où rien ne se perd, où tout se transforme, est en cela propice à la créativité. C’est sous cet angle qu’il faut aussi comprendre la célèbre boutade de Picasso : “Il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant”.

Cette exposition, véritable source d’enchantements est indéniablement à ne pas manquer, que vous soyez un(e) néophyte ou bien un(e) passionné d’art contemporain. L.G.