Skip to main content

Du 23/01 au 18/03

Nara : Trésors du bouddhisme japonais

Musée national des arts asiatiques – Guimet, 6 place d’Iéna, 75116 Paris.

Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h.

Billet combiné pour la collection permanente et l’exposition : 11,50€ / 8.5 €.

Suite à l’immense succès de Meiji : Splendeurs du Japon impérial et dans le cadre de Japonismes 2018, le Musée national des Arts asiatiques – Guimet accueille un prêt exceptionnel accordé par la préfecture de Nara. Trois statues imposantes classées trésors nationaux nous embarquent vers celle qui a été autrefois la capitale du Japon et un grand berceau du bouddhisme nippon.

 

Certains musées sont comme des poupées russes. On croit franchir les portes d’un immeuble haussmannien et nous voilà projetés dans un espace laiteux, sinueux, moderne et épuré. On se savait au cœur de Paris et on se retrouve à arpenter les routes d’Asie. Au centre de ce bout de Paris qui cache un bout d’Asie, dans cet immeuble ancien qui cache une architecture moderne, se niche une salle unique. Cette salle, elle seule, est restée ce qu’elle était comme le cœur minéral et bien gardé d’une roche. C’est la rotonde de la bibliothèque. Petit temple circulaire du savoir, l’air qui y circule est imprégné du parfum des livres anciens, et c’est comme un parfum d’encens laïque.

C’est dans ce temple laïque, ou plutôt syncrétique, à l’image de la spiritualité japonaise, que sont exposés jusqu’au 18 mars 2019 trois chefs-d’œuvre de la sculpture nippone, classés « trésors nationaux » et  « biens culturels importants ».  Un pur esprit et deux hommes de main, ce trio de sculptures exceptionnelles a été prêté au Musée Guimet par la préfecture de Nara, capitale du Japon de 710 à 784 et nid du jeune bouddhisme japonais, importé de Chine et de Corée entre le Ve et le VIe siècle.  L’effigie en bois du bodhisattva Jizô, au centre, et les deux Kongō-rikishi, les gardiens du temple viennent de l’un des très nombreux temples bouddhiques de la ville, le Kōfuku-ji.

Traditionnellement placés des deux côtés des entrées ou des autels des monastères bouddhiques, les Kongō-rikishi sont des divinités gardiennes censées éloigner les démons des lieux sacrés. Rageurs, musculaires et belliqueux, ces deux colosses en bois polychromes nous racontent un autre Moyen-Âge, très loin des saints longilignes et impassibles d’Europe centrale. Ils auraient tout aussi bien pu être sculptés dans la pierre ou le métal tant le travail est majestueux et solide, brouillant la piste des matières et des époques. Leur rage sacrée se distingue de tout ce que l’on connaît car même les anges armés des traditions occidentales égorgent les dragons sans le moindre battement de cils.

L’un, Agyō, a la bouche ouverte et les crocs bien en vue, le poing gauche levé et prêt à cogner, la main droite ouverte vers le sol, divinité brute. Son camarade sacré, Ungyō, a les lèvres closes, inversées comme un « U » mal tourné, c’est la menace à l’état pur, la force latente. Ensemble, ils protègent le bodhisattva Jizô, lié au courant du bouddhisme dit « de la Terre pure », volumineuse sculpture taillée dans un unique bloc de keyaki qui paraît – on ne sait comment – faite de peau et de soie.

À elles seules, ces trois statues nous dévoilent une facette de ce grand et complexe ensemble qu’est le syncrétisme japonais. À elle seule, cette petite bibliothèque devenue temple bouddhique vaut le plus dévoué des pèlerinages.

(edg)