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Shion Miura, La grande traversée, Actes Sud.

Traduit du japonais par Sophie Refle

11.5 x 22 cm

288 pages

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« La Grande Traversée » (Daitokai, en japonais) est le nom d’un dictionnaire. Poétique, n’est-ce-pas ? Majimé, amoureux des mots mais mal dans sa peau, est chargé de diriger cet ouvrage titanesque. Lui qui aime tant les livres n’a pourtant jamais été amoureux. La rencontre avec la belle Kaguya, apprentie cheffe à la volonté de fer, lui permettra-t-il de plonger dans les méandres de ai, l’amour, et de donner enfin un sens à ce concept tant employé et si peu compris ? Une histoire de mots, d’amour et de mots d’amour qui a conquis, par sa fraîcheur et sa franchise, 1.300.000 Japonais.

 

Majimé est un employé pas comme les autres : cheveux en bataille, toujours dans son monde, fou amoureux des livres, il détonne un peu au service commercial de la grande maison d’édition Genbu Shobō. Son attitude singulière et sa passion du mot juste lui ouvrent néanmoins les portes du service des dictionnaires qui a un grand projet sous la dent : la création d’un nouveau dictionnaire appelé, on ne pourrait plus joliment, La Grande Traversée.

« — Tu sais pourquoi nous avons l’intention d’appeler ce dictionnaire La Grande Traversée ? (…) Cet ouvrage sera un bateau pour traverser l’océan des mots, annonça Araki avec le sentiment de dévoiler le fondement de son âme. Les hommes monteront dans cette embarcation qui leur permettra de rassembler les petits points de lumière qu’ils distingueront au loin. Pour transmettre aux autres ce qu’ils pensent le plus précisément, le plus correctement possible. Sans dictionnaire, nous ne pourrions nous lancer sur cette mer des mots qui nous serait incompréhensible.»

Voguer sur la mer des mots n’est pas une aventure banale : chaque entrée du dictionnaire est comme une poupée russe qui révèle de nouveaux sens, de nouvelles nuances et, donc, de nouveaux défis. Au fil de cette épopée, une autre aventure, toute aussi périlleuse, devra être affrontée par notre doux protagoniste : l’aventure de l’amour. Lui qui n’a jamais connu les papillons dans le ventre ressent enfin toute la profondeur de ai (l’amour) quand il rencontre Kaguya, apprentie cheffe aussi amoureuse de la cuisine que lui l’est des livres. Sauront-ils trouver les mots pour se comprendre, se connaître et s’aimer ?

« — On n’a pas besoin de beaucoup de mots pour dire que quelque chose est bon. Le mot « délicieux » est celui qui nous remplit le plus d’aise, nous autres cuisiniers. Mais les mots sont indispensables pour apprendre à faire de bonnes choses. (…) Ce n’est qu’après avoir rencontré Majimé que j’ai compris l’importance des mots. Selon lui, notre mémoire est faite de mots. Nos souvenirs peuvent être ravivés par des parfums, des goûts, des bruits, mais en réalité ce qui se passe est que quelque chose qui sommeillait en nous se transforme en mots. »

Ce roman frais, simple et honnête, très soigneusement traduit par Sophie Refle, est une belle réflexion sur les mots et les univers qu’ils soulèvent, sur les sentiments et le besoin de les exprimer. Il est une ode à une langue  sublime et si incroyablement différente de la nôtre. Il a le grand talent de donner envie, alors même qu’il présente la langue japonaise comme un océan vaste, profond et parfois sombre, d’y plonger la tête la première et d’en explorer chaque recoin avec la grâce et l’assurance des ama, les pêcheuses de perles japonaises.

 

Née à Tokyo en 1976, Shion Miura est l’auteur d’une vingtaine de romans et recueils d’essais. Prix des Libraires japonais en 2012, La Grande Traversée a été adapté au cinéma et sous forme de dessin animé.

(edg)